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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 02:02

 

11/02/2011 17:18
Hosni Moubarak, le destin d'un raïs


Hosni Moubarak, qui a quitté le pouvoir vendredi 11 février, s’est imposé comme un dirigeant majeur du monde arabe pendant trente ans. Mais son autocratie lui a valu la révolte de son peuple


 

Anouar el-Sadate
أنور السادات
3e président de la République arabe d'Égypte
Anwar Sadat cropped.jpg
 
 
Actuellement en fonction
Mandat
15 octobre 1970 - 6 octobre 1981
Depuis le 15 octobre 1970
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Élu(e) le  
Parti politique Union socialiste arabe
Parti national démocratique
Premier(s) ministre(s) Mahmoud Fawzi
Salaam Al Badri
Anouar el-Sadate
Aziz Sedki
Abdelaziz Muhammad Hejazi
Mamdouh Muhammad Salem
Mustafa Khalil
Anouar el-Sadate
Prédécesseur Gamal Abdel Nasser
Successeur Sufi Abu Taleb (intérim)
Hosni Moubarak
Élu(e) le {{{élection2}}}
 
Élu(e) le {{{élection3}}}
 
Élu(e) le {{{élection4}}}
 
Autres fonctions
Vice-président de la République arabe d'Égypte
Mandat
17 février 1964 - 23 mars 1964
Président de la République Gamal Abdel Nasser
Mandat
19 décembre 1969 - 14 octobre 1970
Président de la République Gamal Abdel Nasser
73e et 77e Premier ministre égyptien
Mandat
26 mars 1973 - 25 septembre 1974
Président de la République Anouar el-Sadate
Prédécesseur Aziz Sedki
Successeur Abdelaziz Muhammad Hejazi
Mandat
15 mai 1980 - 6 octobre 1981
Président de la République Anouar el-Sadate
Prédécesseur Mustafa Khalil
Successeur Mohammed Hosni Moubarak
 
 
Biographie
Nom de naissance Mohammad Anouar el-Sadate
Naissance 25 décembre 1918
  Egypt flag 1882.svg Mit Abu al-Kum
Décès 6 octobre 1981 (à 62 ans)
  Drapeau : Égypte Le Caire
Nature du décès {{{nature}}}
Nationalité {{{nationalité}}}
Conjoint(s) Ehsan Madi
Jihane el-Sadate
Enfant(s)  
Diplômé {{{université}}}
Profession  
Occupations {{{occupation}}}
Résidence(s) Palais d'Abedin
Religion Islam
Signature Anwar El Sadat Signature.svg
 
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Présidents de la République arabe d'Égypte
Prix Nobel de la paix de 1978

Anouar el-Sadate (en arabe : أنور السادات[1]) est un homme politique égyptien né le 25 décembre 1918 et mort le 6 octobre 1981. Il est président de la République arabe d'Égypte de 1970 à son assassinat en 1981. Il reçoit le prix Nobel de la paix en 1978, conjointement avec le Premier ministre israélien Menahem Begin, pour les accords de Camp David.

Sommaire

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Biographie[modifier]

Jeunesse[modifier]

Sadate est né en Égypte, dans un village du Delta du Nil à Mit Aboul Koum dans Gouvernorat de Menufeya, au sein d'une famille pauvre comptant treize enfants, d'un père égyptien et d'une mère soudanaise. Il étudie à l'académie militaire royale au Caire, est en sort diplômé en 1938. A l'issue de ses études il est affecté au corps des télécommunications.

En 1942, Sadate est emprisonné par les troupes britanniques pour les activités qu'il mène contre l'occupation britannique en animant un réseau d'espionnage en faveur de l'Afrika Korps[2]. Après la guerre israélo-arabe de 1948, il participe à la création de l'association clandestine du Mouvement des officiers libres (il a alors le grade de lieutenant-colonel), dont le but est de libérer l'Égypte du contrôle britannique, et participe en 1952 au coup d'État qui détrône le roi Farouk Ier.

En 1964, après avoir tenu plusieurs postes dans le gouvernement égyptien, il devient président de l'Assemblée nationale, puis est nommé le 20 décembre 1969 vice-président par son ami le président Gamal Abdel Nasser. Le 5 octobre, après la mort de Nasser il est désigné par l'Union socialiste arabe - parti unique - comme candidat unique à la présidence de la République arabe unie. Son élection est entérinée par référendum à près de 90%. Sa désignation par le parti surprend les experts qui voyaient comme successeur possible à Nasser le pro-soviétique Ali Sabri, ou le pro-américain Zacharia Mohieddine[2].

Présidence de la République[modifier]
Menahem Begin, Jimmy Carter et Anouar el-Sadate en 1978, à Camp David

En 1973, Sadate, de concert avec la Syrie, mène l'Égypte dans la guerre de Kippour contre Israël pour tenter de reprendre le Sinaï perdu en 1967 lors de la guerre des Six Jours. Il élabore dans ce but une manœuvre militaire afin de masquer ses plans : faisant passer ses mouvements de troupes le long du canal de Suez pour des exercices militaires - fréquents à l'époque dans l'armée égyptienne - il met ainsi l'armée égyptienne dans une position favorable sans éveiller les soupçons israéliens. En parallèle, il s'assure suffisamment de soutien militaire et logistique, sans que ses alliés ne soient au courant du jour où l'armée passerait à l'offensive. Seul Hafez el-Assad, président syrien, est informé afin de mener une offensive coordonnée avec l'assaut égyptien. Le 6 octobre, alors que Sadate ordonne le début des hostilités, l'état-major israélien est surpris et doit se rendre à l'évidence : malgré une nette supériorité militaire de Tsahal, les forces égyptiennes sont décidées à reprendre les territoires perdus en 1967. Et même si l'effet escompté par Sadate est réussi, les Égyptiens, tout comme les Syriens, ne peuvent contenir les contre-attaques israéliennes. Finalement, un cessez-le-feu est négocié par les États-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques, alliés respectifs d'Israël et de l'Égypte, et des pourparlers de désengagement peuvent alors débuter au Kilomètre 101 de la route Le Caire-Suez. Sadate sort certes perdant sur le plan militaire et territorial, il n'en demeure pas moins le grand gagnant : il a prouvé que Tsahal n'est pas invincible - en parvenant à lui faire face quelques jours durant - tout en restaurant l'honneur arabe perdu en 1967 avec une défaite cinglante.

En novembre 1977, Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il y rencontre le premier ministre Menahem Begin, et prend la parole devant la Knesset à Jérusalem. Il effectue cette visite après avoir été invité par Begin et recherche un accord de paix permanent. Beaucoup d'autorités du monde arabe réagissent très défavorablement à cette visite, du fait qu'Israël est alors considéré comme un état « voyou » et un symbole de l'impérialisme.

Le 17 septembre 1978, les accords de Camp David sont signés, pour lesquels Sadate et Begin reçoivent le prix Nobel de la paix. Néanmoins, cet accord est extrêmement impopulaire dans le monde arabe et musulman. L'Égypte est alors la plus puissante des nations arabes et une icône du nationalisme arabe. De nombreux espoirs reposaient en effet dans la capacité de l'Égypte à obtenir des concessions d'Israël pour les réfugiés, principalement palestiniens, dans le monde arabe. En signant les accords, Sadate fait défection aux autres nations arabes qui doivent désormais négocier seules. Ceci est donc considéré comme une trahison du panarabisme de son prédécesseur Nasser, détruisant la vision d'un front arabe uni.

Assassinat[modifier]

En septembre 1981, Sadate lance une offensive majeure contre les intellectuels et les activistes de tout le spectre idéologique. Sont ainsi emprisonnés des communistes, des nasséristes, des féministes, des islamistes, des professeurs d'université, des journalistes et des membres de groupes d'étudiants. Il fait également assigner le patriarche copte orthodoxe Chénouda III à résidence, dans le Monastère Saint-Bishoy et emprisonne aussi un grand nombre de prêtres et évêques de son Église. Au total, presque 1 600 personnes sont arrêtées. Parallèlement, le soutien interne de Sadate disparait sous la pression à la fois d'une crise économique ainsi qu'en réaction à la violence de la répression des dissidents.

Le 6 octobre, un mois après la vague d'arrestation, Sadate est assassiné durant une parade militaire au Caire par des membres de l'armée qui appartiennent à l'organisation du Jihad islamique égyptien. Ils s'opposaient à la négociation entamée par Sadate avec Israël ainsi qu'à son usage de la force durant l'opération de septembre. Une fatwa approuvant l'assassinat avait été émise par Omar Abdel-Rahman, un imam qui sera par la suite inculpé par les États-Unis pour son rôle dans l'attaque à la bombe du World Trade Center le 26 février 1993. Des règles de retrait des munitions lors de la parade avaient été mises en place pour cet évènement afin de parer à tout risque de révolte, mais les officiers en charge de leur application étaient en pèlerinage à La Mecque.

Au passage des avions de combats Mirage, un camion de transport de troupe, simulant une panne, s'arrête devant la tribune présidentielle et le lieutenant Khalid Islambouli en sort, se dirige vers le président. Sadate se tient debout pour recevoir son salut, lorsqu'Islambouli jette une grenade fumigène, signal de l'assaut. Les conjurés sortent alors du camion, lançant des grenades et tirent à l'aide de fusils d'assauts. Khalid Islambouli tire à plusieurs reprises sur le président égyptien, secondé par d'autres assaillants, au cri de « Mort au Pharaon ». Il sera par la suite jugé coupable de cet acte et exécuté en avril 1982. Dans l'assaut, beaucoup de dignitaires présents sont blessés, incluant James Tully, alors ministre irlandais de la Défense.

Dans la fusillade qui s'ensuit, sept personnes sont tuées, dont l'ambassadeur de Cuba et un évêque copte orthodoxe, et vingt-huit blessées. Sadate est conduit à l'hôpital, mais est déclaré mort dans les heures qui suivent. Le vice-président Hosni Moubarak, qui a été blessé à la main durant l'attaque, lui succède. Un nombre record de dignitaires du monde entier se rendent aux funérailles de Sadate, incluant notamment trois anciens présidents américains Gerald Ford, Jimmy Carter et Richard Nixon, mais en l'absence du président en exercice Ronald Reagan pour des raisons de sécurité. A contrario aucun dirigeant arabe et musulman n'assiste aux obsèques. Contrairement à ce qui s'était produit pour Nasser, en 1970, la cérémonie, très sobre, n'est pas perturbée par un débordement de la foule : les autorités ont pris pour mesure radicale de tenir le peuple à l'écart en bouclant les rues proches du monument du soldat inconnu. C'est aux côtés de la dépouille de ce dernier qu'est inhumé Sadate.

Notes et références[modifier]

  1. que les arabisants transcrivent traditionnellement ʼAnwar as-Sadāt
  2. a et b Chronique du XXe siècle, p.1067

Lien externe[modifier]

Hosni Moubarak, le 8 février au palais présidentiel égyptien, au Caire (photo Nabil/AP).

Pendant presque trente ans, Hosni Moubarak aura dirigé l’Égypte d’une main experte. Jusqu’à sa chute vendredi 11 février. Dauphin et confident d’Anouar el Sadate, il est le successeur désigné, le 6 octobre 1981, quelques heures après l’assassinat du raïs. Il naît le 4 mai 1928 dans le village de Kafr el-Meselha.

Son père, simple employé, tient à voir son fils monter dans l’échelle sociale. Celui-ci rêve de servir son pays sous l’uniforme. Il opte pour l’armée de l’air. Il rencontre et épouse Suzanne Thabet qui vient de terminer ses études secondaires à l’école anglaise d’Héliopolis. Née d’une mère anglaise et d’un père égyptien, elle lui donne deux garçons, Alâa et Gamal.

En 1952, Hosni Moubarak rallie le groupe des « officiers libres », dirigé par Gamal Abdel Nasser, instigateur du « coup d’État blanc » perpétré contre le roi Farouk. Au début des années 1960, le colonel Moubarak accomplit un stage en URSS. En 1967, Nasser lui demande de réorganiser l’aviation.

Le 6 octobre 1973, c’est le général Hosni Moubarak, alors commandant en chef des forces aériennes, qui lance l’attaque contre la ligne Bar Lev, réputée imprenable. Cette guerre d’octobre va modifier la vie de Hosni Moubarak. Anouar el Sadate apprécie ce général, issu comme lui d’un milieu modeste. Il le nomme maréchal, puis vice-président de la République à partir de 1975.

Moubarak président, le peuple constate que son nouveau chef n’a pas le charisme de Nasser ou le talent théâtral de Sadate. Il s’exprime d’une voix grave, ses allocutions sont préparées avec précision, sans la moindre fantaisie. Changement aussi d’approche politique. Hosni Moubarak prend le pouvoir en 1981 dans une Égypte agitée. L’état d’urgence est instauré, et la chasse aux intégristes est lancée.

Les relations extérieures de l’Égypte vont changer de cap

Cependant, deux semaines après son entrée en fonction, il fait libérer pour « insuffisance de preuves » 32 personnalités accusées par Sadate d’incitation à la sédition confessionnelle. Au nombre des « innocentés », on retrouve Omar El-Telmassani, le guide suprême des Frères musulmans. Le pape copte-orthodoxe, Chénouda III jouit d’un assouplissement de régime dans le monastère, où il est assigné à résidence.

Les relations extérieures de l’Égypte vont changer de cap. Le souci de Moubarak est de réintégrer la famille arabe sans porter atteinte à la dignité de l’Égypte. À partir de juin 1982, l’invasion du Liban par Israël donne à Moubarak la possibilité de se manifester sur la scène arabe.

En septembre, après les massacres perpétrés au Liban par les milices chrétiennes sous l’ombrelle de l’armée israélienne dans les camps palestiniens de Sabra et de Chatila, le raïs rappelle son ambassadeur à Tel-Aviv sans rompre les relations diplomatiques, afin de conserver à l’Égypte son rôle de médiateur éventuel entre les pays arabes et l’État hébreu.

En décembre 1983, il accueille au Caire Yasser Arafat, le leader de l’OLP, chassé du Liban par la Syrie. Ces « gestes fraternels » vont porter leurs fruits. Arafat devient le plus fidèle ami de Moubarak, et Hussein de Jordanie reprend officiellement ses relations avec l’Égypte en 1985. À la même époque, Saddam Hussein, en guerre avec l’Iran, fait appel en secret à Moubarak.

20 000 volontaires égyptiens vont combattre dans les marais du Chatt El-Arab. En novembre 1987, au sommet d’Amman, la famille arabe absout l’Égypte de ses relations avec Israël. La menace que fait peser Téhéran sur la région du Golfe modifie l’ordre des priorités.

Le chômage, l’inflation, la cherté de vie, la misère

Gamal Abdel Nasser a gravité dans l’orbite soviétique, Anouar El-Sadate s’est placé sous l’om brelle américaine, Hosni Moubarak se veut en bons termes avec tous. Il sait, comme l’a répété Sadate, que « les États-Unis détiennent 99 % des cartes susceptibles d’assurer la paix au Proche-Orient », mais il veut associer le vieux monde, et en particulier la France, au destin de l’Égypte et de la région. Se nouent entre Moubarak et Mitterrand une estime et une amitié réciproques. À partir de 1995, les liens avec Jacques Chirac s’établiront avec autant de force.

Israël n’a pas retrouvé durant le régime de Moubarak l’amitié chaleureuse créée durant l’ère Sadate. Pourtant, en 1988, Hosni Moubarak conseille à Arafat d’accepter la résolution 242 du Conseil de sécurité. Cette reconnaissance implicite d’Israël lui vaudra l’ouverture du dialogue avec les États-Unis. Après les accords d’Oslo et de Washington, Le Caire prend le relais. Arafat et Rabin s’y rencontrent à plusieurs reprises, puis signent, le 4 mai 1994, l’accord du Caire.

Mais, c’est la politique intérieure qui va faire chuter le raïs. La démocratie n’existe pas en Égypte. Les opposants énumèrent les raisons de leur mécontentement : le maintien de l’état d’urgence depuis l’assassinat de Sadate, l’interdit qui frappe les manifestations, le « pluripartisme symbolique », puisque le Parti national démocrate (au pouvoir) occupe l’écrasante majorité des sièges à l’Assemblée du Peuple et le mode d’élection du président de la République.

Tout aussi grave est le problème économico-social. Endetté, incapable de développer l’économie, l’État est tenu de privatiser une bonne partie du secteur public. L’Égypte a pris le train de l’avenir, mais le voyage est éprouvant pour la majeure partie des passagers.

Le chômage, l’inflation, la cherté de vie, la misère, conséquences inévitables des mesures de redressement économique, sont une aubaine pour les Frères musulmans, un mouvement interdit mais toléré. Le slogan « l’islam, c’est la solution » se retrouve sur d’innombrables murs, tandis que les mal nantis trouvent chez les « ikhwanes » (les Frères), l’école et le dispensaire gratuits, des subventions, grâce aux dons de bienfaiteurs saoudiens, et la mosquée où l’on peut discuter librement.

L’État répond à la violence intégriste par une répression implacable

Les Frères musulmans deviennent le principal rival de l’État et sa cible première. En 1991, pour avoir participé à la coalition militaire contre l’Irak de Saddam Hussein, l’Égypte reçoit une récompense financière. Les États-Unis annulent sa dette d’environ 4,9 millions d’euros, l’Arabie saoudite et le Koweït effacent d’un trait de plume près de 5 milliards d’euros, le Club de Paris consent d’importantes facilités.

Mais, l’Égypte, qui pense aborder un programme d’expansion économique, est confrontée aux attentats intégristes. Les « fous d’Allah » s’insurgent contre « ce pouvoir impie qui collabore avec les États-Unis, l’ami et le protecteur du sionisme, et qui a signé un traité de paix avec Israël. » De nombreux attentats frappent en Haute-Égypte les coptes, puis les touristes. « Ils s’attaquent aux chrétiens pour déstabiliser le pays, et aux touristes pour porter un coup de Jarnac à l’économie », explique un islamologue.

L’État répond à la violence intégriste par une répression implacable, et en profite pour s’en prendre aux Frères musulmans, soudain accusés de « financer les attentats islamistes ». En janvier 1995, 27 cadres sont écroués à travers le pays. La trêve est finie. De temps à autre, des arrestations ont lieu pour limiter les ambitions de la confrérie, lui rappeler qu’elle est « interdite mais tolérée ».

En novembre 1997, l’attentat de Louxor, le plus tragique, sonne le glas de l’intégrisme. Le raïs adopte des mesures draconiennes, et jure que « le terrorisme ne survivra pas en Égypte ». Il y aura quelques années d’accalmie, mais le terrorisme est toujours là. Trente-quatre morts à Taba en octobre 2004, 70 morts à Charm-El-Cheikh en juillet 2005, 23 à Dahab en avril 2006.

Parallèlement, un vent de fronde se lève dans le pays. Le 12 décembre 2004, quand la candidature de Hosni Moubarak pour un cinquième mandat se précise, des centaines de citoyens se rassemblent face au palais de justice, malgré l’interdiction de manifester. Ils portent des banderoles où l’on peut lire : « Kefaya » (ça suffit). Un mot d’ordre devenu depuis l’ombrelle de tous les partis d’opposition.

Le raïs décide de lâcher du lest

Cette réaction populaire, inimaginable jusqu’ici, est sans doute le résultat des leçons de démocratie prodiguées par les États-Unis. L’opposition accuse le raïs de briguer ce cinquième mandat pour céder ensuite la place à son fils cadet Gamal, dont l’ascension au sein du parti national démocrate (PND au pouvoir) est fulgurante. Gamal déclare qu’il n’est pas candidat à la présidence, mais ne convainc pas grand monde.

Le raïs décide de lâcher du lest. En 2005, l’article 76 de la Constitution sera amendé pour introduire l’élection présidentielle multipartite au suffrage universel. Mais l’opposition dénonce les conditions rédhibitoires imposées au candidat qui assurent l’élection d’un membre du PND. Le 7 septembre, Moubarak devient, comme attendu, le premier président élu au suffrage universel.

Mais les législatives de novembre réservent une surprise. Elles permettent l’entrée au Parlement de 88 députés islamistes, qui ont brigué un siège sous le label de « candidats indépendants ». Les Frères musulmans, désormais le plus important parti d’opposition, occupent 20 % des sièges à l’Assemblée.

Principal rival de l’État, les « Ikhwane » deviennent une cible. Le mot d’ordre est de les laminer. En 2006, 800 Frères sont en prison. Il en reste 60 en fin d’année, selon l’organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch. En 2007, le processus se poursuit, et la confrérie est privée de ses trésoriers, puis d’une partie de ses cadres.

Dans le même temps, pour retrouver la confiance des citoyens, le régime essaie de se pencher sur leurs problèmes quotidiens : le chômage, l’inflation, la santé. Le gouvernement annonce vouloir créer quatre millions d’emplois dans les six prochaines années, augmenter de 75 à 100 % les salaires des sept millions de fonctionnaires, construire 500 000 logements sociaux, 3 500 écoles, un millier d’usines. La presse gouvernementale se fait régulièrement l’écho des réalisations accomplies. Cela ne suffira pas à contenir le mécontentement de la rue qui gronde.
Denise AMMOUN, au Caire

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