Un texte intéressant qui brosse les tenants lieux des réalités du siècle présent de notre continent "Afrique".
Par Jean Marie Kashama Nkoy:
"De la médiocrité à la voyoucratie dans l’évolution de l’Etat africain post-colonial"
« Se prévaloir obstinément de faire les choses que l’on ne connaît pas ou les faire de manière systématiquement irréfléchie relève de la pure médiocratie. Mais le pire des cas est celui de les faire avec une violence abrupte et inouïe, car cela s’appellerait de la voyoucratie». Si les deux sont impardonnables dans la gestion d’un Etat moderne, le plus abominable est le second, puisqu’il conduit à l’inhumanité de
la société.
Dans l’évolution de l’Etat africain post-colonial, la méritocratie, comme une pratique de la vertu pour mieux faire dans
l’exercice du pouvoir manque de repères dans son histoire moderne depuis la colonisation jusqu’à l’émergence de l’Etat postcolonial.
D’abord, puisque depuis la colonisation, le fondement de l’ordre séculier de l’Etat africain colonial était essentiellement
celui de la puissance dominatrice sur les sujets livrés à l’extrême arbitraire des tenants du pouvoir. Les recrues dans la force publique ont été choisies parmi les sujets les plus bruts et les promus parmi les agents de l’administration coloniale, des sociétés privées et les initiés aux ordres confessionnels sont généralement ceux les plus serviles et les moins contestataires.
Ensuite, puisque l’Etat postcolonial bâti sur des bases
fragiles de l’organisation proto-bureaucratique s’est faite sans
rigueur de critères et sans bagages suffisant de connaissances et d’expérience. Ce qui a favorisé l’accès vertigineux aux postes dans la hiérarchie de commandement militaire, au staff politique dirigeant, ainsi qu’à des promotions sociales anarchiques.
Enfin, puisque l’Etat colonial, par un effet pervers de
domination du dirigeant et de subordination de citoyens, a institué des relations publiques et sociales du genre « patron-client » au sein de la société civile où des statuts et rôles sont confus et inversés selon les critères d’appartenance socio-ethnique, de préférences sélectivement subjectives ou sentimentales et d’ alliances d’intérêts, lesquels ont bouleversé l’ordre de mérite au profit de moins méritants ou carrément de médiocres.
De l’indépendance jusqu’aujourd’hui, l’Eat africain postcolonial est géré par les clans biologiques, par les associés d’affaires corporatistes, ainsi que par les traders nationaux et étrangers à leur service. Les élans nationalistes et volontaristes pour une Afrique réellement indépendante pour son éveloppement ont été absorbés par les politiques viscérales et alimentaires des dirigeants et par la tenue en pleine ignorance de la majorité des citoyens.
Dans un pareil système, l’émergence des plus méritants est
rendu quasi-impossible à la fois à cause du bouchon calé en haut et du tassement des incultes en bas. Et c’est cela le grand mal dont souffre l’Etat africain post-colonial. Ce dernier est celui où la médiocrité de dirigeants surplombe la méritocratie de plus doués de citoyens et impose l’infamie du vice des premiers en traquant la vertu des seconds.
La médiocrité inonde la société politique et vicie la société civile. Elle rend incommode tout modèle d’élévation par la
pratique de la vertu et institue la loi du vice et de l’intérêt
pervers des particuliers au détriment de l’intérêt général.
Nous y sommes là. Et ce n’est pas seulement cette incurie
de la classe politique dégradée qui inquiète, mais sa reproduction à longue durée qui fait redouter les bonnes consciences qui voient dans un proche ou lointain avenir le spectre d’Haïti se planter comme décor du regressisme politique et celui du fatalisme social irréversible pour tout le continent.
Alors revient la question du grand précurseur Franz Fanon
pour savoir : « sommes-nous les damnés de la terre » ? Ou pouvons-nous trouver des ressources internes et énergies nécessaires pour bouter dehors les médiocres qui nous gouvernent comme le clame avec éloquence le Cardinal Monsengwo et repris par bon nombre de ses concitoyens ?
Et encore que là, il s’agit seulement des tenants du pouvoir qui ne connaissent pas vraiment ce qu’ils doivent faire pour le mieux-être de leurs concitoyens, qu’ils ont pourtant la charge de conduire vers un radieux avenir et surtout qu’ils prétendent avoir été élus à cette fin. Cela ne concernerait seulement que de pauvres médiocres au pouvoir !
Mais qu’en adviendrait-il si les médiocres tenants du pouvoir prennent l’option d’user systématiquement de la violence au
titre de la puissance publique pour réduire au silence, par les armes gazières et létales, toute contestation de leur pouvoir manifestement reconnu comme celui des médiocres ?
Encore une fois, l’expérience haïtienne de Duvalier «Papa Doc et Baby Doc », ainsi que celle du calotin Jean-Bertrand
Aristide peuvent nous inspirer face au danger d’une violence publique institutionnalisée comme moyen de puissance publique dans un univers totalement ignoré de l’extérieur et abandonné par les Etats démocratiques contemporains.
La violence généralisée en Somalie, au Rwanda des années
90, au Sud-Soudan, en Libye et au Burundi, en République Démocratique du Congo et en République Centrafricaine laisse entrevoir un scénario d’un chaos programmé en Afrique, auquel n’échappera aucun Etat africain dans leurs limites frontalières actuelles.
L’Afrique post-coloniale péricliterait vers une mare de
barbarie et de sauvagerie qui justifierait l’invasion de réseaux
maffieux de tous bords et des multinationales et leurs capitaux
vautours de l’Afrique, qui pensent déjà y revenir avec ferveur pour la reciviliser comme il en fut le cas pendant les siècles ayant précédé la Conférence de Berlin de 1885.
Le terrorisme et les fléaux d’immigration d’aujourd’hui comme l’esclavagisme et le commerce triangulaire d’hier peuvent servir de prétexte pour se repartager les zones d’influence et
d’approvisionnement en matières premières d’Afrique vers les nouvelles puissances du monde.
La violence à l’état brut appliquée aux concitoyens par leurs dirigeants ou les groupes armés bénéficiant souvent de leur
soutien peut laisser croire qu’il ne s’agit plus d’une simple
ignorance de droits de citoyens, mais d’une conspiration, dont les dirigeants ne jouent qu’un vilain exécutant d’un plan machiavélique et diabolique visant in fine à recontrôler les ressources de l’Afrique.
La brutale violence aveugle appliquée aux peuples africains par leurs dirigeants et celle des terroristes utilisant les armes de répression et de liquidation massivement venues de l’étranger occasionnent aujourd’hui de flux massifs et anarchiques de déplacement des populations nationales loin de leurs milieux habituels, ainsi que de flux vers l’immigration ne peut être un phénomène provoqué au hasard par les dirigeants tirants et les terroristes impies.
C’est tout un système de voyoucratie institué pour détruire les peuples et les Etats africains au grand bénéfice de grandes puissances de ce nouveau monde ultralibéral, à la recherche de zones d’approvisionnements en ressources naturelles à vil prix..
Les conflits confessionnels entre les communautés sunnites
et chiites dans le monde arabe, les chrétiens et musulmans et les guerres interethniques et anarchistes en Afrique mettent en évidence le retour des peuples arabes et africains à la barbarie et à l’incurie ancrée ou au penchant naturel à la mauvaise gouvernance de leurs dirigeants.
En retraçant tous les cas de violence d’Etat, de viols et de pillage des ressources, ainsi que les répressions sanglantes
démesurées de tenants du pouvoir envers leurs populations, sont bel et bien une illustration de la voyoucratie d’Etat.
Concrètement, en prenant les cas de la répression contre
les mouvements mystico-religieux au Kongo Central dans les conflits coutumiers au Kasai, les conflits identitaires twa-bantu au Tanganyika, ceux interethniques hema-lendu en Ituri, nande-hutu, hutu-tutsi au Nord Kivu, les groupes armés d’autodéfense Mai-Mai au Sud-Kivu, on peut se demander à qui profitent les crimes.
Il en est de même du conflit du chrétien-musulman en République Centrafricaine, sud-nord en République du Congo,
Anglophones-francophones au Cameroun, Nord-Sud au Nigeria, au Niger et au Mali, en Somalie, au Sud-Soudan, Ouest- Est en Libye, etc…
On est donc passé de la mal-gouvernance causée par la
médiocratie des dirigeants à la barbarie sauvage et de répressions meurtrières contre leurs peuples et les communautés locales pratiquées avec constance et des méthodes qui inspirent une manipulation des dirigeants africains et surtout ceux soutenus par l’Étranger. Cela
n’enlève pas ou ne renie pourtant pas leur responsabilité en tant qu’êtres humains et dotés d’une conscience morale.. .
Cela s’appelle de la voyoucratie assimilée à la barbarie des dirigeants africains et des trafiquants esclavagistes d’hier à la
fin de XIXème siècle, motif pour lequel il a été justifiée la conquête de l’Afrique et d’autres parties du monde pour imposer les civilisations supérieures et de se répartir leurs ressources en matières premières.
Par Jean Marie Kashama Nkoy